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VU D'ISRAEL

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Histoire et Prospective


Israël en pleine psychose

Publié par Frédérique Schillo sur 28 Novembre 2015, 12:57pm

Catégories : #Articles

(dessin de Kichka)
(dessin de Kichka)

La vague d’attaques palestiniennes au couteau qui frappe Israël a plongé le pays dans un climat de psychose. Une peur insaisissable sur laquelle se greffent la haine de l’Autre et la tentation de se rendre justice soi-même.

"Contrairement à nos ennemis barbares, nous sommes avant tout des êtres humains », explique un Israélien à son jeune fils, tandis que non loin d’eux, un groupe d’hommes est en train de s’acharner sur un autre, à terre, avec une violence inouïe. Tous sont des Israéliens.

La scène ainsi croquée par le dessinateur de presse Guy Morad fait écho au lynchage dont a été victime, le 18 octobre 2015, Habtom Zerhom, un demandeur d’asile d’origine érythréenne. Alors qu’il se trouvait dans la gare routière de Beersheva, où un attentat venait d’être commis contre un soldat de Tsahal, il a été abattu de six balles par un agent de sécurité, puis attaqué à coups de pied, de chaise, de banc, et tout ce que la foule déchaînée a trouvé à lui jeter dessus. Son seul « crime », sa couleur de peau, qui l’a fait prendre pour un autre, pour l’Autre : le terroriste barbare.

Le lynchage d’Habtom Zerhom a profondément choqué en Israël. Comment a-t-on pu en arriver là ? Par quelle effroyable méprise la victime a-t-elle été confondue avec l’assassin ? Ce qui mine surtout la société israélienne est de savoir comment elle a pu laisser grandir en son sein pareille haine de l’Autre et si, demain, la haine viendra encore frapper au hasard, pourquoi pas l’un de ses membres. Le dessinateur Michel Kichka l’a parfaitement saisi en décrivant la scène sous le titre « Le lynch sale en famille ».

Racisme ordinaire

Fruit du racisme ordinaire dans un pays où des attentats au couteau frappent depuis des semaines, chaque jour, quasiment à chaque heure, ce lynchage est le signal qu’une psychose morbide s’est emparée des esprits. La peur transpire à chaque coin de rue de Jérusalem ou d’ailleurs, dans le regard des passants, aux arrêts de bus, ces cibles privilégiées des attaques à la voiture-bélier, dans les transports en commun où votre voisin peut être votre meurtrier. Peur irrationnelle, évidemment, mais comment pourrait-il en être autrement quand le terrorisme a le visage d’un enfant palestinien de 13 ans, quand il frappe des religieux et des soldats en Cisjordanie, mais aussi des civils à l’intérieur de la Ligne verte, ou encore quand il se manifeste dans une macabre absurdité : il s’avère que l’agent de sécurité qui a tiré par erreur sur Habtom Zehrom, croyant « neutraliser » le terroriste, est un Bédouin, et que le véritable auteur de l’attentat était lui aussi bédouin.

Au lieu de calmer les esprits, les politiques jouent la surenchère. Le maire de Jérusalem, Nir Barkat, encourage ainsi les Juifs à porter des armes à feu et à se faire justice soi-même. Le gouvernement a bien renforcé la sécurité et installé des check-points à l’entrée des quartiers arabes, mais Benjamin Netanyahou a stoppé la mesure, non pour éviter d’infliger une punition collective aux Palestiniens, mais parce qu’elle risquait d’acter la division de la Ville. En revanche, il n’a pas hésité à abuser du reductio ad hitlerum, en osant affirmer que l’idée de la Shoah avait été soufflée à Hitler par le Grand Mufti. Comme si l’image de barbare n’était pas suffisante, il fallait en faire le Diable incarné.

L’hystérie ne retombe pas côté palestinien, où les terroristes sont érigés en martyrs auprès d’adolescents trop jeunes pour avoir connu Oslo et fanatisés sur les réseaux sociaux. Sans être forcément liés à un mouvement, ils sont persuadés que le destin de l’Autre, le Juif, est de « retourner un jour en Europe ». Quant à Mahmoud Abbas, usé et affaibli dans son propre camp, il ajoute de l’huile sur le feu en prétendant qu’Israël veut modifier le statu quo sur al-Aqsa.

Comme souvent dans ce conflit, c’est de l’extérieur qu’une solution sera imposée. Elle passe par une séparation, la création d’un Etat palestinien, et la division de Jérusalem comme 66% de Juifs israéliens semblent d’ailleurs prêts à l’accepter, selon un récent sondage duMaariv. Il faut aider les Israéliens à se séparer, moins par haine de l’Autre, que par souci de leur propre humanité. Sinon, une chose est sûre, comme l’affirmait Paul Valéry, « l’inhumanité a beaucoup d’avenir devant elle ».

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